Impossible aujourd'hui de s'intéresser à son alimentation sans s'interroger sur la question du gluten. Les aliments sans gluten sont de plus en plus nombreux dans les rayons des boutiques, bio ou non, les labels "glutenfree" fleurissent même sur des produits qui, à première vue, ne devraient pas être concernés et de plus en plus de personnes (jusqu'à 40 % en Europe occidentale) se déclarent hypersensibles au gluten avec des symptômes divers allant de problèmes digestifs à la constipation en passant par des problèmes de peaux ou des douleurs articulaires. Je vous propose d'examiner la question du gluten sous tous ses angles pour mieux savoir de quoi l'on parle.
QU'EST-CE QUE LE GLUTEN ET OÙ EN TROUVE-T-ON ?
Le gluten constitue la partie protéique du blé par une combinaison de deux protéines : la gliadine et la gluténine. C'est une substance collante qui permet la panification : vous savez, la mie moelleuse et la croûte croquante du pain ! Sans gluten, cela n'est pas possible.
Le blé n'est pas la seule céréale à contenir du gluten : L'orge, et le seigle en contiennent aussi comme d'autres céréales de la famille du blé : petit et grand épeautre ou kamut. L'avoine contient également du gluten (l'avéine) mais sa toxicité est aujourd'hui discutée (sauf pour ceux qui souffrent de la maladie coeliaque).
POURQUOI ET COMMENT LE GLUTEN IMPACTE-T-IL NOTRE SANTÉ AUJOURD'HUI ? alors que le pain et le blé font, depuis toujours, partie de notre alimentation !
Le blé est apparu il y environ 10 000 ans au Proche Orient et a, depuis, subi de nombreuses mutations et hybridations : à partir des 7 paires de chromosomes de l'ancêtre du blé, le petit épeautre, les transformations successives de cette céréale lui font porter aujourd'hui 21 chromosomes. L'industrie agro-alimentaire a transformé et sélectionné les types de blé pour que les épis résistent mieux aux parasites, que les tiges soient plus solides ou encore pour que le gluten offre plus de souplesse et d'élasticité pour l'usage de l'industrie agro-alimentaire.
Par ces transformations, la protéine de gluten est devenue très longue et très collante et par conséquence, plus difficile à digérer. Le principe de la digestion consiste à décomposer les longues chaines moléculaires en éléments simples et assimilables par les cellules. Or nos enzymes ne sont souvent plus capables de décomposer complètement les chaines complexes du gluten. Et si on ne mastique pas suffisamment, ce qui est fréquent, on aggrave la difficulté qu'il y a à digérer le gluten.
Autre problème avec le gluten : l'alpha-gliadine, une des protéines du gluten, altère aussi la santé intestinale. L'alpha-gliadine active la production de zonuline au niveau du foie et de la muqueuse intestinale. La zonuline a pour effet d'ouvrir les jonctions serrées entre les cellules de la membrane intestinale. Cela entraine une perméabilité intestinale : la fonction "filtre" de la muqueuse intestinale n'est plus efficace. Des éléments qui ne devraient pas y pénétrer comme les chaines protéiques complexes non digérées du gluten, s'infiltrent dans la circulation sanguine, mettent le système immunitaire en alerte et créent un état inflammatoire. Cette dégradation de la santé intestinale est le plus souvent en lien avec une consommation excessive de gluten sur du long terme et l'hypersensibilité qui en résulte est responsable de symptômes variés (cutanés, articulaires, neurologiques,...) parfois bien éloignés des problèmes digestifs.
La véritable intolérance au gluten s'appelle la maladie coeliaque. C'est une maladie dysimmunitaire qui touche +/- 1% de la population et dans laquelle les protéines de gluten provoquent la destruction des villosités intestinales. S'ensuivent des problèmes de malabsorption et des carences parfois jusqu'à de la malnutrition. La muqueuse intestinale n'est plus capable ni d'empêcher le passage des substances toxiques dans l'organisme ni d'absorber les bons nutriments. En cas de maladie coeliaque, la seule option est la suppression complète du gluten.
Il y a cependant encore un autre facteur qu'il faut incriminer quand on parle de l'état inflammatoire de la muqueuse intestinale provoqué par le gluten.
Après la deuxième guerre mondiale, avec le développement de la chimie et donc des engrais et des pesticides, la culture du blé a été délocalisée. Traditionnellement située sur les pourtours de la Méditerranée, les cultures intensives de blé se situent aujourd'hui beaucoup plus au nord, principalement en Ukraine et au Canada. Le climat plus humide des ces régions oblige à pulvériser les épis juste avant qu'ils n'arrivent à maturité pour éviter qu'ils ne pourrissent à cause de l'humidité. La proportion de produits chimiques contenus dans les grains issus de l'agriculture intensive conventionnelle est beaucoup plus importante que précédemment. Cet état de fait concoure aussi à l'augmentation des hypersensibilités au gluten. Des études scientifiques ont montré que les pesticides et autres produits chimiques pulvérisés sur les grains de céréales augmentaient la porosité intestinale et l'ouverture des jonctions serrées de la muqueuse.
ALORS, QUELLE ATTITUDE FACE AU GLUTEN ?
Le gluten est présent dans les céréales citées ci-dessus mais malheureusement pas que! L'industrie agro-alimentaire s'est emparée de cette substance qui améliore la texture de nombreux produits et ne coûte pas cher : aujourd'hui, le gluten est partout ! Bien sûr, dans tous les produits à base de farine de blé : biscuits, gâteaux, pâtes de toutes sortes, mais aussi là où on ne s'y attend pas : plats préparés, soupes, bouillons, sauces, viandes hachées, aliments panés,... la liste est longue ! Et c'est justement cette exposition continue au gluten qui produit l'hypersensibilité dont une proportion toujours plus grande de la population souffre. Alors que faire, quelles mesures adopter pour éviter qu'un problème d'hypersensibilité au gluten apparaisse ou s'amplifie*?
Eviter autant que possible tous les aliments transformés par l'industrie agro-alimentaire. Il y a de fortes chances pour qu'ils contiennent du gluten !
Manger bio : les pesticides et produits chimiques qui aggravent la porosité et l'inflammation de la muqueuse intestinale sont exclus de l'alimentation bio. Et en tout cas pour le pain, le premier choix à faire est de le choisir bio. Ensuite préférer le pain de petit épeautre aux autres céréales, le gluten du petit épeautre est beaucoup plus digeste. Enfin manger du pain de petit épeautre au levain plutôt qu'à la levure est aussi positif pour la santé intestinale. Les bactéries lactiques du levain renforcent le microbiote intestinal, les levures le déséquilibrent.
Choisir de consommer des céréales qui ne contiennent naturellement pas de gluten : riz, quinoa, millet et sarrasin ne contiennent pas de gluten. Alors, en alternative aux pâtes de blé, aux pizzas ou au pain, choisir de manger une de ces 4 céréales diminue l'exposition au gluten. On trouve ces céréales sous forme de grains bien sûr mais aussi de farine, flocons et pâtes. Les choix sont nombreux !
Mastiquer ! Bien mâcher les aliments active la digestion grâce au travail des dents évidemment mais également grâce à la production de salive. Celle-ci contient des enzymes qui démarre la digestion. La mastication permet un bon avancement du processus digestif et évite de retrouver dans l'intestin des aliments non-digérés qui enflamment la muqueuse intestinale.
ET LES ALIMENTS SANS GLUTEN, BON OU MAUVAIS CHOIX ?
Quand on parle de nutrition, il y a souvent plusieurs angles de vue possibles et les arguments des uns peuvent contredire ceux des autres. Le développement des aliments sans gluten qui ressemblent justement aux aliments dans lesquels le gluten est un ingrédient indispensable peut poser question. L'avantage évident est que ces aliments ne contiennent pas de gluten, condition absolue pour les personnes qui souffrent de la maladie coeliaque.
Quand on ne souffre pas de cette maladie, il faut considérer la composition de ces aliments "gluten free". En effet, si ils ne contiennent pas de gluten, leur composition est bien différente des aliments traditionnels avec gluten. Prenons l'exemple du pain : le pain depuis toujours, c'est de la farine (contenant du gluten pour permettre la panification), du levain ou de la levure et de l'eau. Et c'est tout ! Pour faire un pain sans gluten qui ressemble un peu à ce qu'on aime dans le pain : mie moelleuse et croûte croquante, il faut beaucoup de multiples ingrédients : des farines de différents types, des principes levants, des gommes pour le moelleux, bref on est très loin des 3 ingrédients d'un pain "traditionnel". Or, une des conditions d'une digestion aisée est de manger des aliments simples qui ne contiennent pas trop d'aliments différents... Souvent dans le "sans gluten", on contourne un problème mais on en crée un autre !
Dans les aliments "sans gluten" aussi se pose la question de l'index glycémique : la farine de riz sert généralement de base à toutes les préparations sans gluten. Avantage : elle ne coûte pas cher. Inconvénient : son index glycémique est élevé. Conclusion : la consommation de produits "sans gluten" n'est pas non plus sans conséquences pour la santé, que ce soit du point de vue digestif ou de celui de la gestion du sucre dans l'organisme.
LE GLUTEN, UNE QUESTION DE MESURE ET NON UN EFFET DE MODE :
Le gluten est omniprésent dans l'alimentation industrielle. Excepté en cas de maladie coeliaque, c'est l'exposition répétée au gluten qui dégrade la santé. Donc plutôt que de choisir des aliments sans gluten, dont le prix est élevé et avec les inconvénients cités ci-dessus, une alimentation "santé" est composée d'une consommation majoritaire de céréales naturellement sans gluten - riz, quinoa, millet, sarrasin- et de quelques produits bios de très bonne qualité avec gluten comme un pain de petit épeautre au levain ou de temps à autres des spaghettis de blé dur. Parce que leurs copies sans gluten ne leur ressemblent que de très loin...
* Il est évident qu'en cas de maladie coeliaque, l'éviction du gluten doit être totale et constante et qu'en cas de troubles de santé sévères en lien avec une hypersensibilité au gluten, une éviction complète du gluten est nécessaire sur une longue durée avant de pouvoir progressivement tester l'apaisement des réactions au gluten.
Cet article ne prétend en aucun cas se substituer à un avis médical. Il se limite à une fonction informative. En cas de doutes ou de questionnement sur sa santé, il faut consulter un médecin.
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